Valparaíso, montagnes russes et coloriages géants

Après avoir traversé les montagnes embrumées qui nous séparaient de la côte depuis Santiago, nous avons retrouvé l’océan depuis l’incroyable ville de Valparaíso.

Alors que nous sortions du bus et que nous traversions la ville basse pour rejoindre notre Airbnb, un épais brouillard masquait l’horizon et les limites de cette cité portuaire. Petit point météo : ce phénomène s’appelle Camachaca. Ces épais nuages des côtes chiliennes et péruviennes sont dû à la libération, sous forme de vapeur d’eau, de la chaleur emmagasinée par la mer durant la journée, puis poussée par le vent contre le cordon de montagnes côtières. En milieu de journée cette condensation se réchauffe et s’élève, dissipée par l’anticyclone, pour laisser place à un grand ciel bleu.

Valparaíso se mérite ! Pour accéder à notre logement nous avons dû gravir un des nombreux escaliers qui desservent les quelques 42 cerros (collines) sur lesquels s’étend la ville. Ce ne sera pas le dernier de la journée, puisque pour sillonner les rues il faut sans cesse monter et redescendre pour passer d’un cerro à l’autre. Arrivés en haut, nous avons eu la chance d’être très bien accueilli par Viviana et sa fille Consuelo dans leur très agréable maison sur le Cerro Bellavista.

Pour partir à l’assaut de la ville nous avons d’abord fait un premier arrêt à La Casa de la Empanada Porteña pour nous remplir le ventre d’empanadas frites aux fruits de mer et au fromage (délicieuses !). Puis nous nous sommes baladés sur les plus touristiques Cerros Alegre et Concepcion où l’on trouve de belles maisons colorées et de nombreuses fresques.

Ici les maisons ont été construites là où cela a été possible. D’une rue à l’autre on peut voir que le nombre de niveaux d’une même bâtisse change d’un côté de la rue à l’autre, jouant avec la déclivité du paysage. Elles sont traditionnellement construites en adobe (briques de terre crue) et en bois, ce qui leur a permis de résister à plusieurs séismes du fait de l’élasticité de leur structure. Elles sont ensuite recouvertes d’enduit ou de tôle peints. Malheureusement l’argent manque pour rénover celles qui sont à l’abandon, mettant à nu leur squelette.

Si l’Amérique du sud est connue pour ses murales (peintures murales que nous appelons street art chez nous), à Valparaiso le phénomène est exacerbé (il y en a vraiment partout), transformant la ville en musée à ciel ouvert. Médium d’expression et de contestation ; au-delà de l’esthétisme, certaines fresques transposent et dénoncent les problèmes sociaux et politiques du pays. On peut également retrouver certains de ces artistes dans les galeries d’art.

Outre les nombreux escaliers qui permettent de grimper sur les collines, il existe aussi de vieux funiculaires pour faciliter l’ascension ou la descente. Une demi douzaine sont encore en fonctionnement et il faut s’acquitter de quelques pesos pour profiter de ce doux trajet. On a testé une fois mais on préfère muscler nos cuisses.

Nous avons bien crapahuté au cours de ce premier après-midi, essayant de passer d’un cerro à l’autre en redescendant le moins possible les dizaines de mètres que l’on avait gravis. Ça a plutôt bien fonctionné et ces « détours » nous ont permis de voir d’autres facettes de la ville moins touristiques, de tomber sur des délicieux roulés à la cannelle fraîchement sortis du four à la boulangerie Masa Critica, de passer par les trois cimetières (malheureusement fermés), de découvrir le parque cultural et de revenir à notre maison par le haut tout en passant devant la maison de Pablo Neruda.

Centre culturel dans le parque cultural
Ancienne prison reconvertie en centre culturel

Après avoir exploré la ville par nous même au cours d’un après-midi sportif, nous avons suivi Raúl dans un Free Walking Tour (EcoMapu) en anglais le lendemain. Pendant près de 3h il nous a expliqué l’histoire de la ville et plus largement le contexte historico-politique du Chili à travers le quartier du port et les cerros qui le domine. Nous sommes partis de la plaza Sotomayor, en face de l’ancienne Intendencia (bâtiment public à l’échelle de la région) réquisitionnée par les marines depuis le coup d’Etat de Pinochet qui eu lieu à Valparaiso en 1973. Si la dictature est terminée ce bâtiment reste la propriété des marines (que l’on a vu défilé à côté de nous) et n’a tristement pas retrouver sa fonction publique que de nombreux chiliens ont connu.

Ancienne Intendencia, plaza Sotomayor
Ministère de la culture

Mais revenons sur l’histoire de la cité. Le port de Valparaíso fut créé par un espagnol pour être le premier port de Santiago au XVIe siècle. Il l’installa dans une petite baie, aux pieds des collines, et lui donna le nom de sa ville d’origine. Durant de nombreuses année le port prospéra puisqu’il servait de port d’étape après avoir passé le détroit de Magellan. Durant cet âge d’or de nombreux européens si installèrent et la ville prospéra pour grandir organiquement à la fois sur les collines mais aussi en créant des terres sur la mer. Le bas de la ville, appelé El Plan, a ainsi été complètement gagné sur la mer grâce au savoir-faire de colons hollandais. Seul quartier véritablement plat, son nom vient en fait de son origine urbanistique : ici tout a été fait selon un plan d’ensemble, contrairement au reste.

L’ouverture du canal de Panama signa la fin de sa prospérité même si la ville continua de grandir pour atteindre aujourd’hui 300 000 habitants. En 2019, elle fût le théâtre de nombreuses manifestations qui saisirent le pays à cause de l’injustice sociale et de la précarité des classes populaires. La police réprimanda violemment ces manifestations et conduit à de nombreux morts et blessés. La COVID marqua un coup d’arrêt, mais juste après que le peuple ait voté pour la refonte de la constitution. Aujourd’hui on peut voir les fresques traitant de cette « jeune » mais dense histoire du pays. Notre guide Raúl nous a justement fait remarquer qu’ici « 100 ans d’histoire signifiaient beaucoup alors que 100km pas grand-chose », tandis que c’est l’inverse pour nous autres Européens.

Nous sommes montés au cerro Cordillera, pour voir à quoi ressemble un quartier qui n’a pas encore été gentrifié. Comme souvent, il y a une dichotomie entre le développement du tourisme et la vie des habitants qui continuent de vivre dans la pauvreté. Si la ville est habitée depuis plusieurs siècles, il n’est pas facile de vivre sur ses hauteurs au quotidien : on construit dans la pente, il faut faire monter l’eau et les vivres et emprunter sans cesses ces escaliers quelque soit son âge…

Au cours de notre visite du richement décoré Palacio Baburizza qui accueille un musée d’art (composé des donations de l’ancien propriétaire de la demeure), nous sommes tombés sur un film français intitulé « A Valparaíso » (Joris Ivens, 1962). Nous en avons retenu cette phrase du scénariste Chris Marker, qui pourrait faire office de devise de la ville : « Son mensonge c’est le soleil, sa vérité c’est la mer. ».

Nous avons conclu cette visite dans le quartier du port, le deuxième du Chili, en passant devant quelques hommes bien alcoolisés et taquins en ce milieu de journée. Si ce quartier n’est pas conseillé pour les touristes, nous sommes quand même rentrés dans l’ancien marché du port (en rénovation) avec son impressionnante structure en béton . Nous ne nous sommes toutefois pas attardés et avons préféré refaire le plein d’empanadas dans l’enseigne voisine de la première où nous avions mangé, tout en écoutant un mini festival de musique traditionnelle sur la plaza civica.

Ancien marché

En conclusion Valparaiso nous a crevé, mais nous l’avons adoré. C’est certainement la ville que l’on a le plus apprécié au Chili à ce jour. Nous avons été émerveillés de la découvrir sous un nouvel angle à chaque coin de rue, chaque mirador, depuis le haut et le bas. Elle nous a régalé de très bons ceviches et empanadas, tandis que les personnes que nous avons rencontrées étaient adorables. On regrette seulement de ne pas être restés un peu plus longtemps.


Adresses :
> Logement : Airbnb chez Viviana, Hector Calvo 96, Cerro Bellavista, , Valparaíso
> Empanadas : Casa de la Empanada Porteña, Salvador Donoso 1330, Valparaíso
> Empanadas : Empanadas famosas, Salvador Donoso 1341, Valparaíso
> Resto : Casa Dumpling, Héctor Calvo 308, Valparaíso
> Boulangerie : Masa Critica, Av. Alemania 6578, Valparaíso


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